Février 1898



N° 114


Séance du 1er Février 1898



La censure des télégrammes expédiés de Crète a été confiée aux Gouverneurs militaires internationaux. (Voir PV N° 99) sauf en ce qui concerne ceux envoyés en Grèce et en Turquie, qui sont restés sous la surveillance du Gouverneur ottoman (voir PV N° 85).

L’état de guerre n'existant plus entre la Grèce et la Turquie, les Amiraux estiment qu'il n'y a pas de raison pour continuer à traiter la Grèce autrement que les autres pays et décident :

Sauf pour les télégrammes adressés en Turquie, ou vice versa, pour lesquels la surveillance sera exercée par l'autorité ottomane, le soin de la censure appartiendra, exclusivement, aux Commandants militaires internationaux, aussi bien pour la Grèce que pour les autres pays ; ces Commandants militaires ne devront laisser expédier que les télégrammes en clair, ne présentant aucune espèce de danger, et, ils devront être sévères pour les télégrammes politiques.

Le Colonel Chermside, dans une lettre adressée à l'Amiral anglais, rappelle que toute la police de Candie repose sur la Gendarmerie ottomane, à laquelle la solde n'est pas régulièrement payée (voir PV N° 110).

Il estime que l'on pourrait stimuler le zèle de ces gendarmes et en obtenir meilleur service pour la pacification, en leur payant, sur la caisse de la surtaxe, une moitié de leur solde, comme cela a lieu, à La Canée, pour la solde totale des gendarmes albanais (voir PV N° 98).

Le Colonel ajoute que les 3 % qui alimentent la caisse de la surtaxe, a produit, dans la seule ville de Candie, une moyenne de 360 livres pour les quatre derniers mois, et que ces sommes ont été envoyées à La Canée, il pense qu'il serait équitable que Candie profitât, pour sa sécurité, de sommes qu'elle contribue, pour une grande part, à faire encaisser.

Les Amiraux sont de l’avis du Colonel Chermside et décident qu'on demandera aux Ambassadeurs, par l'intermédiaire des Consuls, d'autoriser ce prélèvement sur la caisse de la surtaxe.

La même faveur serait demandée, si cela paraissait utile, aux Commandants militaires, pour les autres villes occupées ; mais il reste entendu que si cet avantage, fait aux gendarmes turcs, ne produisait pas le résultat attendu, les sommes retenues en prévision du paiement seraient reversées à la caisse consulaire par ordre des Commandants militaires internationaux.

À bord de « l’Amiral Charner », à La Sude, le 1er Février 1898

Le Commandant allemand signé : Wahrendorff
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : A. Bromley
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro




N° 115


Séance du 4 Février 1898



D'après une note du Colonel Chermside, les 24 musulmans arrêtés à Candie (PV N° 113) ne seraient pas tous coupables.

Le Lieutenant Gouverneur de cette ville signale, comme devant être maintenus en état d’arrestation, les nommés : Mustapha Stravoleni, Ahmed Babalaro, Lamiy Vahdaki et Arah Menaki (qui sont à Spinalonga) ;

Hussim Terzalaki, Hussim Effendaki, Ali Azizaki, Hebrahim Azikaki (qui sont à La Canée).

Neuf autres, actuellement à La Canée, pourraient être mis en liberté sur un rapport du Gouverneur de Candie à l'occasion de la prochaine fête ; les sept derniers contre lesquels il n'y a aucune preuve, pourraient être libérés immédiatement.

Les Amiraux adoptent ces propositions.

La Commission militaire internationale de police a condamné le 31 Janvier 1898 à 10 ans de travaux forcés le nommé Gemali Mavralakis pour avoir blessé un Carabinier italien chargé de l’arrêter.

Cet individu sera incarcéré à Spinalonga dès qu'on pourra l’y transporter.

Le Carabinier, victime de l'attentat, se trouvant dans l’impossibilité de continuer sous les armes, et n'ayant droit qu'à une petite pension de son Gouvernement, les Amiraux estiment qu'il y aurait lieu d'inviter le Gouverneur Général de la Crète à payer une gratification de 100 livres turques au blessé.

Une démarche dans ce sens sera faite par le doyen des Amiraux.

Depuis plusieurs mois, des Chrétiens pauvres viennent demander des secours à bord des navires de la flotte internationale. Les sollicitations ont dégénéré en abus et les aumônes sont devenues un encouragement à la mendicité. Les mêmes individus se représentent chaque jour et abordent peut-être plusieurs navires.

Pour mettre un terme à cet état de choses, les Amiraux conviennent que, sauf pour les blessés qui viendraient demander des soins, tous les solliciteurs qui se présenteront seront renvoyés et prévenus qu’il ne sera délivré de secours que par l'intermédiaire des chefs et du clergé chrétien et en dehors des avant-postes.

À bord du « Alexandre II », à La Sude, le 4 Février 1898

Le Commandant allemand signé : Wahrendorff
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : A. Bromley
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro




N° 116


Séance du 11 Février 1898



Sur la demande réitérée des autorités turques, le Colonel Chermside a entrepris la réparation de l’aqueduc, qui part d’Arkanès, et qui est la principale source d'alimentation en eau de Candie.

La population musulmane qui habite la ville et les troupes anglaises sont les premières intéressées à la réparation de cet aqueduc ; dans ces conditions, le Colonel estime que la dépense qui s'élèvera à 80 livres turques environ, doit être supportée par le Gouvernement Général de la Crète.

Mis au courant de cette question par le Capitaine Bromley, de la Marine britannique, les Amiraux décident que leur Président écrira la lettre suivante au Gouverneur Général intérimaire :

Monsieur le Gouverneur Général,

L'aqueduc qui alimente la ville de Candie, et qui part d’Arkanès, est en fort mauvais état, et le Colonel Chermside en déclare la réparation urgente ; la dépense s’élèvera à environ 80 livres.

Quoique cette réparation doive se faire, surtout, sur la partie de l'aqueduc qui traverse la région occupée par les Chrétiens, il n'est pas moins vrai que la population de Candie, toute musulmane, est seul intéressée, pour l'instant, au bon état de la conduite d’eau.

Dans ces conditions, les Amiraux estiment que la dépense doit être supportée par le Gouvernement Général de la Crète, et ils comptent que Votre Excellence voudra bien donner les ordres, à Candie, pour qu’il soit mis à la disposition du Colonel Chermside, et dans ce but, 80 livres qui pourraient être prélevées sur les revenus de la douane à Candie.

À bord du « Wien », le 11 Février 1898

Le Commandant allemand signé : Wahrendorff
Le Commandant Supérieur italien signé : Carnevali
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : A. Bromley
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke




N° 117


Séance du 22 Février 1898



Depuis le commencement de l'insurrection, les troupes internationales se sont efforcées de protéger les propriétés des Chrétiens comme celles des Musulmans.

Au mois de Janvier 1898, la garnison française de Soubachi a eu l'occasion d'arrêter, et de remettre à leurs chefs hiérarchiques, des soldats turcs du poste de Perivolia qui, loin de s’opposer aux déprédations de leurs coreligionnaires, arrachaient des vignes appartenant à des Chrétiens.

Le 18 Février, deux soldats français, sans armes, étaient occupés, près du couvent de la Trinité, à arracher la souche d'un olivier, précédemment brûlé par les Turcs, et appartenant au couvent dont ils ont la garde ; ils opéraient avec l'autorisation du pope propriétaire.

Le poste turc de Perivolia, peut-être à titre de représailles, a voulu les arrêter et s'est emparé de leurs outils ; l'officier turc qui commande le poste a favorisé de son mieux cette démonstration intempestive, et, seule, l'intervention de l'officier français, qui se trouvait, par hasard, au poste de la Trinité, a empêché des coups de feu d’être échangés.

Les Amiraux ont pris connaissance des enquêtes faites par l'autorité française, par l'autorité turque, et par le Commandant militaire international à La Canée ; c'est le résultat de ces trois enquêtes qui est résumé plus haut.

Déjà, à la demande du Commandant supérieur à La Canée, le Maréchal commandant les troupes ottomanes a retiré de Perivolia l'officier commandant le poste, mais, les Amiraux ne trouvent pas cette réparation suffisante et demandent :

1° Que cet officier soit sévèrement puni, ainsi que les militaires qui ont arrêté les soldats internationaux ;

2° Que les objets pris au détachement français lui soient remis, et, cela, à l'endroit où s'est passé l’incident, et en présence de ce détachement en armes.

3° Que l'officier turc et les soldats qui ont participé à cette agression soient éloignés du commandement de La Canée, et envoyés dans une autre garnison de l’île.

De plus, pour éviter des incidents du même genre, et conserver les bonnes relations entre les troupes internationales et ottomanes, il y aurait lieu de faire rentrer à La Canée ou près des remparts, les postes ottomans du cordon extérieur dont les troupes internationales prendraient la place, dans le but aussi de faciliter la rentrée des Chrétiens dans les deux villages abandonnés qui sont dans ces environs.

À bord du « Sardegna » à La Sude, le 22 Février 1898

Le Commandant allemand signé : Wahrendorff
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : A. Bromley
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro


Sardegna

Le Sardegna




N° 118


Séance du 24 Février 1898



En réponse à la lettre envoyée par les Amiraux après la séance du 11 Février (PV N° 116), le Gouverneur Général avait écrit, le 12, qu’il lui était impossible de prendre, au compte du Gouvernement ottoman, la réparation de l'aqueduc de Candie ; mais, à la suite d'une correspondance échangée entre le Président du Conseil des Amiraux et Son Excellence Ismaïl Bey, ce dernier se rendant aux raisons qui ont été exposées dans une lettre du 18, déclare qu'il a donné des ordres à Candie pour que les 80 livres nécessaires à cette réparation soient remises au Colonel Chermside par les autorités turques de Candie.

Cette question est par suite, réglée.

À bord du « Sardegna » à La Sude, le 24 Février 1898

Le Commandant allemand signé : Wahrendorff
Le Commandant Supérieur de la Grande-Bretagne signé : A. Bromley
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro

Crète - Occupation Internationale